La presse locale se meurt… (ou comment se faire des amis)

🗞️🍑✨ La presse locale se meurt… (ou comment se faire des amis)

Novembre 2025 — Le diagnostic est sans appel : la presse locale indépendante française agonise. Et contrairement aux héros romantiques qui succombent dans un dernier éclat de gloire, elle s’éteint dans l’indifférence générale, à petit feu, entre deux subventions publiques et un post Facebook mal ficelé.

🔹 L’autopsie d’une mort annoncée

Tout a commencé au début des années 2000, avec l’arrivée d’Internet et son lot de promesses : l’information pour tous, gratuite, instantanée. Les journaux locaux, confortablement installés dans leur monopole de l’information de proximité, n’ont rien vu venir. Pourquoi s’inquiéter ? La radio et la télévision n’avaient pas tué la presse au XXe siècle, après tout.

Sauf que cette fois, c’est différent. Pour la première fois de son histoire séculaire, la presse doit se réinventer. Et elle ne sait pas faire. Elle n’a jamais eu besoin d’apprendre.

Résultat : elle se retrouve aujourd’hui tenue en laisse par les collectivités qui la subventionnent, vampirisée par les institutions locales qui transforment leurs services communication en maisons de retraite dorées pour journalistes en fin de carrière. Les rédactions se vident, les photographes de presse ont été les premiers sacrifiés, remplacés par des pigistes dociles et des images de banque.

🔹 Le syndrôme du Shadok

Là où le spectacle devient franchement comique, c’est dans les tentatives de reconversion des grands groupes de presse régionaux. Depuis plus de dix ans, ils se lancent dans des virages stratégiques aussi audacieux qu’inefficaces : agences de communication, événementiel, management d’influenceurs… À chaque fois, le résultat est le même : un plantage magistral.

On dirait une bande de Shadoks s’acharnant à faire décoller une fusée qui refuse obstinément de quitter le sol. Et le plus beau ? Ils ne comprennent toujours pas pourquoi ça ne marche pas. Fusion après fusion, acquisition après acquisition, ils tournent sciemment le dos au vrai journalisme pour courir après des mirages entrepreneuriaux.

🔹 L’ironie du destin

Le comble de l’histoire ? Les journalistes avaient un job en or sous le nez pour arrondir leurs fins de mois : attaché de presse. Sauf qu’en 2025, ce sont les influenceurs qui trustent cette activité fort lucrative. Tranquillement installés dans leurs certitudes, les journalistes n’ont rien vu venir.

Aujourd’hui, sur les sites de recrutement, on croise des plumes désabusées qui clament haut et fort que « tout travail mérite salaire ». Désolé les amis, mais voilà un quart de siècle qu’Internet dévore la presse locale. Vingt-cinq ans que la pieuvre numérique a pointé ses tentacules, et qu’avez-vous fait ? Pas grand-chose. Ou si peu.

Et maintenant, le coup de grâce : l’intelligence artificielle débarque et fait votre job quatre fois plus vite, et souvent mieux que vous.

🔹 Le mal français

Les journalistes français souffrent peut-être d’un handicap supplémentaire : l’habitude d’un système hypercentralisé et hiérarchique. Formés dans des écoles qui leur ont inculqué qu’ils étaient une espèce rare, un contre-pouvoir, des justiciers indépendants garants du bon fonctionnement démocratique, ils peinent à objectiver leur propre situation.

Difficile d’avoir un regard lucide et décomplexé quand on exerce son métier par passion, persuadé d’être à l’abri des vicissitudes subies par ceux qu’on interviewe. La paupérisation du métier ? Ça n’arrive qu’aux autres.

L’ensemble de la société française, sauf rares exceptions, raisonne et agit à travers ce prisme centralisateur. Résultat : il est quasi impossible d’amener les acteurs de la presse sur un terrain inconnu pour explorer ce qui pourrait devenir le futur de l’information locale.

🔹 Le vide et la rumeur

Dans les régions où la presse locale a jeté l’éponge, sa disparition a laissé un vide abyssal. Place nette pour la rumeur qui se propage sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre. Les lecteurs, lassés d’articles devenus ennuyeux et insipides, se tournent vers les fake news et les théories complotistes. Au moins, ça les inspire et les fait rêver.

Les quelques tentatives désespérées pour rejoindre l’univers des réseaux sociaux ressemblent davantage à des spasmes avant le dernier râle funeste qu’à une véritable stratégie de survie.

🔹 Il faut se sortir les doigts

La voie du salut ne viendra probablement pas du management actuel des groupes de presse. Il va falloir que les journalistes retroussent leurs manches et retrouvent cette originalité perdue, cette indépendance, ce rôle de poil à gratter qui faisait leur sel.

Il va falloir, pour le dire crûment, se sortir les doigts du cul.

Car sinon, le dernier râle n’est plus très loin.


Article de Jean-Pierre Morvan
Animateur et fondateur de GSO Parisien News
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